Institut-Hôpital neurologique de Montréal (Neuro)
L'intelligence artificielle pourrait raffiner le diagnostic de l'autisme

Par La Presse Canadienne
Les critères associés aux mouvements répétitifs, aux intérêts nettement restreints et aux comportements fondés sur la perception sont plus fortement liés à un diagnostic d’autisme que les critères de socialisation, notamment la réciprocité émotionnelle, la communication non verbale et l’établissement de relations, indiquent des travaux réalisés à l’Institut-Hôpital neurologique de Montréal (Neuro).
L’obtention d’un diagnostic d’autisme prend parfois des années, rappellent les auteurs, ce qui retarde d’autant les interventions pour améliorer la situation.
Cette hausse des diagnostics pourrait donc être réduite en se centrant sur certains comportements répétitifs et intérêts particuliers, puisqu'on a possiblement diagnostiqué comme autistes des gens qui présentent plutôt un trouble social.
«On a fait beaucoup d'efforts en génétique et en imagerie (médicale) pour mieux comprendre la maladie de l'autisme, mais ça a donné beaucoup moins de progrès qu'on l'aurait pensé, a dit le coauteur principal de l'étude, Danilo Bzdok, qui est neuroscientifique au Neuro et à Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle.
«On se tourne donc vers d'autres directions de recherche, (...) donc on a utilisé des données massives sous forme de texte, plus précisément les notes de médecins qui voient des patients qui sont potentiellement autistes. Dans le domaine de l'autisme, à ma connaissance, ça n'a jamais été fait auparavant.»
Les chercheurs ont ainsi analysé au moyen de l’intelligence artificielle plus de 4200 comptes-rendus cliniques d’observation provenant d’une cohorte d’enfants francophones de Montréal. En se fondant uniquement sur ces données, ils ont adapté et mis en œuvre des méthodes de modélisation du langage considérables pour prédire une telle décision de diagnostic.
Ils ont trouvé, en particulier, le moyen de déceler les phrases clés les plus pertinentes dans un rapport pour poser un diagnostic positif, permettant ainsi une comparaison directe avec les critères de diagnostic.
Les auteurs de l'étude considèrent, à la lumière de ces résultats, que le monde médical pourrait être amené à reconsidérer et réviser les critères établis pour diagnostiquer l’autisme.
«Notre but n'est pas de remplacer les médecins ou de classifier les autistes plus efficacement, a souligné M. Bzdok. On a voulu déconstruire le processus des médecins pour arriver à leur diagnostic.»
On constate depuis plusieurs années un bond des diagnostics d'autisme dans les pays développés, et cette étude suggère que l’importance accordée à la socialisation dans l’évaluation de l’autisme puisse y être pour quelque chose.
Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM-5, fait lui aussi une très grande place à la socialisation dans le diagnostic de l'autisme, souligne M. Bzdok, tandis que les comportements moteurs comme les mouvements répétitifs, les intérêts restreints et les comportements fondés sur la perception pèsent moins lourd.
«On trouve exactement le contraire dans nos résultats, a-t-il dit. On contredit quarante ans de pratique et de pensée dans la recherche.»
Cette hausse des diagnostics pourrait donc être réduite en se centrant sur certains comportements répétitifs et intérêts particuliers, puisqu'on a possiblement diagnostiqué comme autistes des gens qui présentent plutôt un trouble social.
On optimiserait ainsi l’efficacité et l’efficience du diagnostic, car l’évaluation des facteurs sociaux s’avère assez longue, fastidieuse et peu précise par rapport aux traits comportementaux plus évidents, soulignent les auteurs de l'étude.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue médicale Cell.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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