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Une intervention simple permet de réduire les troubles de consommation des jeunes

durée 11h39
15 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les adolescents qui participent à deux courts ateliers en première secondaire présentent ensuite moins de troubles d'abus de substances à la fin du secondaire, démontre un essai randomisé contrôlé dirigé par une chercheuse du CHU Sainte-Justine.

Dans certaines écoles où le programme a été implanté, la réduction de ces troubles a pu atteindre 80 %, s'est réjouie la professeure Patricia Conrod, qui est psychologue et chercheuse au CHU Sainte-Justine.

«Les bénéfices sont énormes, a-t-elle dit. En ce moment, au Canada, à l'ère du fentanyl, il est extrêmement important de faire tout ce qu'on peut pour réduire le nombre de jeunes qui expérimentent et qui abusent, même avec de l'alcool, parce que plus un jeune est intoxiqué, plus il risque d'expérimenter avec autre chose.»

Presque 4000 étudiants qui fréquentent 31 écoles de la grande région de Montréal ont participé à cette étude, soit environ les trois quarts de tous les jeunes inscrits à ces écoles. Ils ont été suivis pendant cinq ans, de la première à la cinquième secondaire.

Certaines écoles proposaient le programme PreVenture aux jeunes de secondaire 1 jugés «à risque» de développer un trouble de la consommation, selon leur score à un questionnaire d’évaluation portant sur quatre traits de personnalité ― l’impulsivité, la recherche de sensations fortes, la sensibilité à l’anxiété et le désespoir.

Ce programme a été développé par la professeure Conrod et par sa collègue Sherry Stewart de l'Université Dalhousie.

«Il n'y a jamais d'étiquetage, on ne dit jamais aux jeunes qu'ils sont à risque, a précisé la professeure Conrod. On leur demande plutôt s'ils sont intéressés à participer à un atelier où ils vont explorer leurs buts à long terme et comment mieux gérer leurs comportements et leurs pensées pour atteindre leurs buts. Alors quand c'est présenté comme cela, 80 % des jeunes acceptent de participer.»

On pouvait, par exemple, présenter aux jeunes un scénario sur l'impulsivité et ensuite les inviter à participer à une discussion sur le sujet. Ils étaient guidés à explorer comment leur propre impulsivité pouvait influencer leurs pensées et leurs comportements, à reconnaître les situations qui étaient source d'impulsivité et à identifier les pensées qui allaient exacerber une réaction impulsive.

«On leur enseigne comment utiliser les stratégies cognitives et comportementales pour éviter que (l'impulsivité) mène à la consommation, a dit la professeure Conrod. Parce que les jeunes qui sont très impulsifs souffrent et leur vie est difficile. Ils sont donc très motivés à apprendre comment gérer leur impulsivité. Ça les motive à retarder leur consommation et à trouver d'autres stratégies de gestion de leur comportement.»

Un impact générique du programme a été constaté non seulement sur l'impulsivité, mais sur les quatre profils, a-t-elle précisé.

Des analyses statistiques ont témoigné d'une augmentation des troubles d'abus de substances dans toutes les écoles participantes. Cette hausse a toutefois été moins prononcée dans les écoles qui avaient offert le programme PreVenture. La réduction pouvait atteindre 80 % dans certains cas.

Deux fois 90 minutes

Le programme PreVenture est déjà implanté dans plusieurs écoles à travers le monde, notamment dans cinq provinces canadiennes et 12 États américains. Il est composé de deux ateliers de 90 minutes pendant lesquels les jeunes sont invités à explorer les traits de personnalité et les stratégies d’adaptation auxquelles il est possible de faire appel pour affronter les défis du quotidien.

Le programme enseigne également des stratégies cognitives et comportementales qui pourront aider les adolescents à canaliser certains traits de leur personnalité pour favoriser l’atteinte de buts à long terme.

La professeure Conrod souligne que certains traits peuvent être une source de stress ou d’anxiété pour les jeunes lorsqu’ils sont mal gérés, ce qui peut les mener à se tourner vers la consommation de substances comme soulagement temporaire.

En leur enseignant d’autres stratégies plus efficaces au début de l’adolescence, il est possible de les aider à mieux gérer ce qu'elle appelle «les défis du quotidien». Cela permet aussi d'éviter que les jeunes aient besoin, plus tard pendant leur vie, de services pour combattre un problème de consommation.

«En ce moment, les écoles ont besoin de l'aide du gouvernement pour réaliser ce type d'intervention», a dit Mme Conrod, qui est également professeure de psychiatrie et dépendance à l’Université de Montréal et titulaire d’une Chaire de recherche du Canada en santé mentale préventive et dépendance.

«Mais le gouvernement préfère y aller de campagnes médiatiques ou de sessions de 'drug education'. Mais ça ne génère pas de résultats comme ceux qu'on annonce aujourd'hui.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par l’American Journal of Psychiatry.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne