Des élections seront déclenchées la semaine prochaine en Ontario, selon des sources
Temps de lecture :
5 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
TORONTO — Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, déclenchera des élections anticipées mercredi prochain et conviera les Ontariens aux urnes le 27 février, a appris La Presse Canadienne.
Deux sources gouvernementales de haut rang ont révélé que M. Ford a récemment pris la décision de tenir ces élections en hiver – un fait plutôt rare – après avoir hésité pendant des mois.
La Presse Canadienne a accordé l'anonymat à ces sources afin qu'elles puissent parler en toute franchise des délibérations internes du gouvernement ontarien.
Les prochaines élections provinciales en Ontario devaient avoir lieu en juin 2026. Le premier ministre Ford a toutefois soutenu avoir besoin d'un nouveau mandat pour faire face aux quatre années de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Il a pratiquement confirmé la tenue d'élections imminentes, jeudi.
«Je demande un mandat aux Ontariens pour nous assurer que nous les protégeons», a déclaré M. Ford lors d'une annonce sur un autre sujet.
«Je pense vraiment que nous allons investir des milliards et des milliards de dollars pour protéger les gens, les collectivités et les entreprises d'ici. Il n'y a personne de plus important que les Ontariens pour vous donner un mandat clair pour pouvoir investir dans les gens et les entreprises.»
Son parti progressiste-conservateur doit tenir un «super caucus» samedi pour parler des tarifs et de «ce qui se passe ici en Ontario». Selon ce qu'a appris La Presse Canadienne, cette rencontre doit aussi servir à préparer le terrain en vue d'élections.
L'ombre de la menace tarifaire
Doug Ford a assuré qu'il sera en mesure de continuer à remplir ses obligations de premier ministre tout en faisant campagne comme chef des progressistes-conservateurs. Il prévoit toujours se rendre à Washington deux fois en février pour «faire valoir notre point de vue» auprès des législateurs américains afin d'éviter les tarifs.
M. Ford s'attend à ce que d'éventuels tarifs douaniers imposés par M. Trump frappent durement l'Ontario, en particulier le secteur automobile. Il a déjà affirmé que l'Ontario pourrait perdre plus de 500 000 emplois si M. Trump mettait à exécution sa menace de tarifs de 25 %.
Les partis d'opposition, quant à eux, estiment qu'une élection anticipée n'est pas nécessaire, car ils appuieraient les dépenses de relance. M. Ford — qui dirige un gouvernement majoritaire — a déjà le mandat de protéger les intérêts de l'Ontario, font-ils valoir.
«Aujourd'hui, Doug Ford s'est choisi lui-même plutôt que notre province», a dénoncé la cheffe libérale de l'Ontario, Bonnie Crombie, dans une publication sur les réseaux sociaux.
«L’insouciance au lieu de la responsabilité. Sa propre carrière politique au détriment des innombrables travailleurs de l’Ontario qui risquent de perdre leur emploi en cette période d’instabilité historique.»
Opportunisme
Avant la guerre commerciale qui s'annonce avec les États-Unis, les partis d’opposition posaient le logement et les soins de santé, en particulier la pénurie de médecins de famille, comme deux des principaux enjeux de campagne. Ces deux enjeux sont encore susceptibles d’attirer beaucoup d’attention dans le contexte des négociations sur les tarifs douaniers.
Tous les partis se préparent à la possibilité d’élections anticipées depuis le printemps dernier.
À l’époque, M. Ford s'est fait demander s’il accélérait l’expansion de la vente de bière et de vin dans les dépanneurs, au coût de 225 millions $, afin de planifier un vote anticipé. Il n'a pas exclu cette possibilité.
Les rumeurs concernant les élections se sont intensifiées à l’automne, mais M. Ford a continué d’esquiver les questions à ce sujet. À un certain point, il a exclu l'idée de tenir des élections avant la fin de 2024. Il n’a pas fourni de raison pour laquelle il laissait la porte ouverte à un scrutin en 2025.
Les politiciens de l’opposition ont suggéré que M. Ford était opportuniste et voulait une élection avant la campagne fédérale.
Les sondages placent Pierre Poilievre et son Parti conservateur en tête et en position de signer une victoire écrasante contre les libéraux du premier ministre Justin Trudeau. L'Ontario a une longue tradition d'élire des gouvernements d'une couleur politique différente de celle d'Ottawa.
L'opposition, dirigée par la cheffe du NPD Marit Stiles, Mme Crombie des libéraux et le chef du Parti vert Mike Schreiner, a également accusé M. Ford de vouloir organiser des élections avant la conclusion d'une enquête de la GRC sur la décision du gouvernement d'ouvrir des parties de la ceinture de verdure, une aire protégée, au développement.
M. Ford a fait marche arrière à propos de la ceinture de verdure, mais cette controverse a provoqué des troubles à l'interne, entraînant la démission du ministre du Logement de l'époque, Steve Clark, et de son chef de cabinet.
Pas seulement les tarifs
Dans l'énoncé économique automnal du gouvernement ontarien, M. Ford a annoncé un plan de 3 milliards $ pour envoyer des chèques de 200 $ au début de 2025 à chaque contribuable ontarien et à leurs enfants. Le premier ministre a présenté cette mesure comme un moyen d'aider les Ontariens dans le contexte d'une crise persistante du coût de la vie, mais l'opposition y a plutôt vu un stratagème pour acheter des votes avant les élections.
Depuis la victoire de Donald Trump aux États-Unis, en novembre, M. Ford occupe le devant de la scène parmi les premiers ministres provinciaux du pays, faisant pression sur Ottawa pour qu'il se prépare à accueillir le nouveau président. M. Trump s'est engagé à imposer des tarifs de 25 % sur les produits canadiens, une menace qui n'a pas encore été concrétisée, mais qui continue de planer.
À Ottawa, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a implosé à la mi-décembre après la démission de sa ministre des Finances, Chrystia Freeland. Quelques semaines plus tard, M. Trudeau a annoncé la prorogation du Parlement, jusqu'au 24 mars, et a indiqué qu'il compte démissionner comme premier ministre une fois que la personne qui lui succédera à la tête de son parti aura été choisie.
Un nouveau chef libéral fédéral doit être élu le 9 mars. Les partis d'opposition fédéraux ont promis de déclencher des élections si le Parlement revient comme prévu le 24 mars, ce qui laisse à M. Ford une fenêtre étroite pour organiser des élections provinciales avant une probable campagne fédérale.
Ce n’est que récemment que M. Ford a publiquement justifié son intention d’organiser des élections anticipées, en affirmant qu’il avait besoin d’un «mandat» de la population pour dépenser des milliards de dollars si la menace de droits de douane se matérialise.
Ce discours a évolué cette semaine. Lorsque M. Trump n’a pas imposé de tarifs dès le premier jour de sa présidence, lundi, comme beaucoup le craignaient, M. Ford a exprimé sa vision autrement. Il a mentionné qu’il avait besoin d’un nouveau mandat pour faire face non seulement aux droits de douane, mais aussi aux quatre années au pouvoir du nouveau président.
Liam Casey et Allison Jones, La Presse Canadienne